La liste de nos défauts

- C’est censé être une menace ? Je te la sors tout de suite ou bien ?

Creed, Creed était là, à nouveau. Combien de temps avaient-ils été séparés ? Quelques heures ? Il avait l’impression que ça faisait des mois. Ce sourire, ce simple sourire si naturel le faisait fondre, et maintenant qu’il le voyait, la fouine n’avait plus du tout d’importance. Qu’elle continue à planquer des peluches sous les meubles, Priam pouvait juste plaquer ses lèvres contre celles de son compagnon et reprendre les choses là où ils les avaient laissées. C’était tout ce dont il rêvait, mais malheureusement, il n’était plus un adolescent frivole. Il fallait ranger ce bordel avant qu’Aleyssa se réveille et n’en rajoute une couche. Parti comme c’était parti, son loft allait bientôt se retrouver en état de catas­trophe naturelle. Il fallait se remettre au boulot, après avoir jeté un bref coup d’œil à l’endroit où Creed venait de poser sa main, et sur lequel il avait posé ses lèvres plus tôt dans la matinée, Priam se retourna.

« On t’a déjà dit que ton humour ne volait pas très haut ? »

Une fois équipé des gants de cyclistes, qui paraissaient effectivement plus pratiques que des gants renforcés de motards, Priam se remit à traquer la bête. Elle avait profité de la brève conversation avec Creed pour se cacher, mais comme elle ne tenait pas en place, ils la débusquèrent assez vite. Et la course reprit, dans toute la pièce. Le jeune homme essayait de s’économiser en observant la fouine pour deviner ses mouvements et la coincer dans un angle, mais rien n’y faisait. Plusieurs fois, il fut bien obligé de courir, plusieurs fois il dérapa ou heurta un meuble en tentant d’attraper la bestiole ou de changer brusquement de direction. C’était mission impossible. Heureusement, Creed était là pour dispenser de précieux conseils.

- Mets-y un peu plus d’énergie !

« Ah pardon, excellente idée ! C’est vrai que j’étais en train de me branler jusque-là ! » Priam essayait d’avoir l’air en colère, mais n’était pas crédible du tout. Après une seconde de réflexion, il eut un rire un peu saccadé, qu’il tenta vite de stopper parce qu’il était trop essoufflé pour rire. « Maintenant c’est moi qui fais des blagues de bas niveau. Tu as une très mauvaise influence sur moi, Creed Fucking Fitzsimmons. »

La course reprit, Priam s’était muni de l’une des vielles couvertures d’Aleyssa pour tenter une nouvelle approche, et bien qu’il fasse de son mieux, il se fit quand même traiter en secret de grande asperge chevelue. Ce qui est extrêmement vexant, vous en conviendrez. Et en plus de ça, Creed continuait, non seulement à rire, mais aussi à prodiguer des conseils ridicules. Comme utiliser des rollers, par exemple.

« Des rollers ? Pourquoi pas un monocycle tant que tu y es ? »

L’après-midi ne se passait pas franchement comme prévu, mais dans le fond, ce n’était pas si déplaisant. C’est après une énième virevolte de la fouine qu’il entendit son partenaire appeler à l’aide. Il n’était peut-être pas le plus rapide, mais à force de courir et de sauter, ses réflexes étaient devenus temporairement très aiguisés. En un battement de cils, il était près de l’îlot de cuisine, et attrapa le bras de Creed avant qu’il ne bascule en arrière, abattu par sa propre hilarité.

« Fais gaffe, mon cœur, j’ai déjà une fouine et un bébé à gérer, je veux pas d’un cadavre en plus. »

Avec un sourire, il l’attrapa par la taille et déposa une bise sur ses lèvres. Cela n’était visiblement pas assez puisque quelques instants plus tard, Creed lui réclama un baiser bien plus appuyé sous couvert d’encouragements. Priam ne se fit pas prier pour le lui offrir, et après un instant trop court leurs lèvres se séparèrent à nouveau. Pourquoi tout était si étrange avec Creed ? Si étrange et si naturel à la fois ? Il avait cessé de compter le nombre de baisers qu’ils s’étaient offert l’un à l’autre, et pourtant, à chaque fois, il frémissait comme si c’était le premier et le dernier en même temps. Priam était resté volontairement près de Creed, et le dévorait des yeux alors qu’il lui proposait une nouvelle stratégie. Tant et si bien que quand il eut fini, il n’avait absolument rien suivi à son histoire.

« Heu… Des cartons. Je viens de déménager, j’en ai pleins. »

Effectivement, il avait largement de quoi faire à ce niveau-là. Ils purent donc rapidement monter leur « piège », en utilisant quelques meubles et un rouleau de scotch marron. S’aidant ensuite de ce qu’il avait pu comprendre des mouvements de la fouine à force de la courser, Priam parvint à l’entraîner dans la cuisine sans trop de mal, mais les deux hommes n’étaient pas au bout de leurs peines. Se sentant coincé, la pauvre bête était plus vive et agressive que jamais. Plusieurs fois, il sentit ses petites dents pointues piquer le bout de ses doigts à travers les gants quand il l’approchait de trop près. Mais apparemment, cette fouine n’était pas juste rapide et agile, elle était aussi intelligente, et elle finit au bout de quelques minutes par saisir sa chance en bondissant sur Creed, qui ne tarda pas à s’écrouler, pour finir enseveli sous les cartons.

« Creed ?! » Une légère pointe d’inquiétude perçait dans la voix de Priam alors qu’il se précipitait pour le sortir de là. Inquiétude qui se dissipa vite lorsqu’il put voir qu’il allait bien, il s’autorisa alors à s’asseoir sur lui et à éclater de rire. « Si seulement j’avais pu filmer ça ! Je vais devoir le graver dans ma mémoire, la tronche que t’as tiré n’avait pas de prix ! »

Toujours hilare, il se pencha sur lui pour l’embrasser, ou plutôt l’encourager sans doutes. Priam en profita aussi pour caresser sa barbe, et taquiner les démons peints sur son cou. Il n’avait pas l’air décidé à s’arrêter, jusqu’à ce qu’un miaulement rageux se fasse entendre plus loin.

« Mokka ? »

Tout se passa alors très vite, deux éclairs velus bondirent dans la cuisine, renversant les cartons qui tenaient encore debout. Priam se redressa vivement, et à l’instant même où l’une des bestioles entra dans son champ de vision, il bondit, bras en avant, comme un gardien de football. Il se moquait de savoir laquelle des deux bêtes il était en train de viser, sur l’instant il voulait surtout éviter qu’elles se battent. Ses doigts se refermèrent sur un pelage doux et soyeux, et il eut tout juste le temps de fourrer la bestiole dans son t-shirt avant qu’un chat, toutes griffes dehors, lui arrive en pleins dans la tête.

« Aieuh ! » Priam se redressa, il avait remonté son t-shirt pour enrouler le tissu autour de la fouine, et une fine griffure zébrait sa joue, bien qu’elle ne semblait pas le déranger. « Va me chercher la caisse du chat, s’il-te-plais. Elle est dans le coin là-bas. »

Mokka avait filé sous un meuble, sans doute conscient d’avoir fait une bourde, même si au final il venait de leur rendre un fier service. Une fois la bestiole enfin enfermée, Priam retira ses gants et se passa une main sur le front.

« Quelle journée, j’en peux plus. Dire qu’elle est loin d’être finie en plus. » Malgré tout ce qu’il pouvait dire, Priam avait le sourire aux lèvres, et après avoir un peu reprit son souffle, il se leva. « Je vais me prendre une douche, je suis moite et collant de partout, c’est dégueu. »

Sur ce, le jeune indien tourna les talons, et après un rapide passage dans sa chambre pour y prendre des affaires propres, il s’enferma dans la salle de bain. Il enleva ses chaussettes et son t-shirt, qu’il balança dans le lavabo, avant de s’attarder une seconde sur son reflet devant le miroir. L’instant d’après, il sortait de la salle de bain pour revenir dans le salon.

« J’ai oublié un truc. »

Sur ces mots, il attrapa son compagnon par le bras et le traîna derrière lui. La porte de la salle de bain était à peine fermée qu’il le plaquait contre le bois pour l’embrasser à nouveau. Un baiser doux, le plus doux possible, même si ses doigts se glissaient sous son haut avec une certaine fébrilité, et que son souffle court n’était plus causé par sa course éperdue après la fouine. Il caressa son torse, ses hanches, avant de s’emparer de sa nuque pour approfondir des baisers de plus en plus intenses. Il ne séparait ses lèvres de celles de Creed que pour chercher dans le fond de ses yeux les reflets de ses propres désirs.

« Tu as beaucoup ri, combien de fois je vais devoir te mordre ? »

Beaucoup, de toute évidence. Priam dut se dire qu’il devait s’y mettre tout de suite, puisqu’il commença par saisir la lèvre inférieure de Creed, qu’il mordilla doucement. Il passa ensuite à la lèvre du dessus, puis suivit du bout des dents le contour de son menton, et remonta jusqu’à l’oreille qui n’y échappa pas non plus. La punition était lente et méthodique. Enfin, pendant quelques minutes, arrivé à son cou, Priam perdait déjà la tête. Tirant sur le t-shirt de Creed, il dévoila le haut de sa poitrine, et ces satanés clavicules qui le rendaient dingue. C’était là, dans le dessin des épaules, dans le creux du cou et le piquant de la barbe, qu’on sentait toute la puissance d’un homme. Oh, le reste n’était pas à jeter non plus, mais cette zone était clairement sa préférée.

Les morsures laissèrent place aux baisers et aux jeux de langue, la seule ombre au tableau était les vêtements qu’ils portaient encore tous les deux. Son caleçon le compressait, et pire encore, le t-shirt de Creed le gênait dans ses explorations. Il finit par se résoudre à reculer de quelques pas, s’approchant du meuble de la salle de bain pour ajouter son short et son caleçon au tas de vêtements qui s’y trouvait déjà. Une fois nu, Priam entra dans la douche et régla l’eau qui ne tarda pas à glisser sur sa peau. C’était agréable, mais ça ne valait pas deux bras virils. Il se tourna finalement vers Creed, cette fois il ne voulait pas que ce moment ait un goût d’inachevé.

« Tu viens ? »

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